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Nos ancêtres résidant à Tervuren

Des Congolais, venus de tous les coins du pays, triés sur le volet, ont participé d’une façon particulière à l’exposition universelle de Bruxelles de 1897. C’est dans le parc de Tervuren, à 15 km de Bruxelles, que des villages ont été érigés pour parquer nos ancêtres comme des objets de curiosité. La journée de la Toussaint 2006 a été une occasion pour la communauté congolaise et africaine de Belgique de leur rendre hommage. Sept d’entre eux n’ont pas fait le chemin de retour. Ils sont morts suite à des maladies.

Comment sont-ils arrivés là ?

Ils sont arrivés au nombre de 267 personnes, hommes, femmes et enfants, provenant de tous les coins du Congo Belge (actuel République Démocratique du Congo). Leur voyage ignoble a duré près de quatre mois au total. Ils ont été emmenés à Tervuren pour y être exhibés dans une sorte de zoo humain à l’exposition universelle de 1897. L’exhibition de nos ancêtres était un franc succès : près d’un million de visiteurs.

Initialement prévu pour l’été, on décida de maintenir le zoo humain jusqu’en automne. Les organisateurs de l’exposition ne pensaient pas à donner à nos ancêtres des vestes chaudes: question de ne pas « réduire l’exotisme » ! L’exotisme et les danses transparaissaient mieux quand nos ancêtres étaient vêtus en raphia…

Deux villages ont été édifiés au bord des étangs pour rappeler la proximité des fleuves au Congo. Le troisième village était situé dans le bois, pour les habitants de la forêt du Congo.

Le quatrième village (village Van IMPE) était occupé par les jeunes (entre 15 et 16 ans) qui avaient reçu un enseignement du Père Van IMPE. Ce village était à l’écart des trois autres pour éviter tout contact entre les « jeunes civilisés » et les  » sauvages ». Durant le voyage, Boma/Anvers, quatre d’entre eux périrent et ont été jetés par-dessus bord, selon les règles de la navigation maritime de l’époque (sic). Nos ancêtres prirent le chemin de retour avec des malades à bord du bateau qui les reconduisit chez eux. Les malades, sûrement morts au cours du voyage, subirent le sort des autres. Les jeunes sont restés quelques temps en Belgique ainsi qu’un soldat et son épouse.

Pour une anecdote, à la fin du discours du ministre des colonies, Liebrecht, le soldat cria « Vive le Roi », ce qui attira l’attention des invités. La demande du soldat de rester en Belgique a été alors acceptée.

D’autres villages de triste mémoire furent organisés lors des expositions universelles d’Anvers et de Bruxelles (1958). Comme il fallait s’y attendre, sept de nos ancêtres moururent du froid dans le déshonneur, dans un état de non-humain, comme des SDF [Sans Domicile Fixe]. Nos sept ancêtres sont : MamaSAMBO, Mama MPEMBA, Mama NGEMBA, Papa EKIA, Papa NZAU, Papa KITUKWA et Papa MIBANGE.

Le déshonneur les poursuivit, même MORTS : point de place pour eux dans les tombes belges. D’autre part, on n’ose pas entrer en contact avec ces corps, exposés en public : question de « santé publique » arguait-on… Ils furent enterrés dans un premier temps dans une fosse commune, que nos ancêtres devraient partager avec les indigents de l’époque. Ce qui fut fait dans le bois de Tervuren. Une dizaine d’années plus tard, ils ont été enterrés dans la cour de l’église catholique Saint Jean évangéliste de Tervuren, sise rue de l’église. Il n’y avait toujours pas de place pour eux dans les cimetières belges.

Au moins, dans la cour de cette église, leurs noms y sont gravés…

Nos ancêtres ne se laissèrent point condamnés à leur sort. Ils se révoltèrent contre cette humiliation. D’autres Belges aussi ont manifesté leurs désappointements. Ce qui obligeait les organisateurs à fermer ces villages.

Cet instinct n’a jamais quitté les Belges qui organisèrent, pas plus loin, en 2002, un autre village où étaient parqués les  » Baka « , pygmées venus du Cameroun, à Namur, chef-lieu de la Région wallonne. Là aussi, des Africains se mobilisèrent et suivis par d’autres organisations humanitaires du monde entier pour demander la fermeture illico du village. Un mois après son installation, le village ferma ses portes.

YALALE


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