François Muamba

Rétro-François Muamba : La CPI est une institution instrumentalisée

La CPI est une institution instrumentalisée aux services des puissants pour écraser les faibles !

François Muamba : La CPI est une institution instrumentalisée

Cra : Que pouvez-vous nous dire sur les vices de procédures relevés par de nombreuses ONG ? Le procureur Moreno a-t-il agit selon les règles ?

F. Muamba : L’analyse des organisations non gouvernemental rejoint la nôtre. Depuis presqu’un an, c’est-à dire l’arrestation de notre Président Jean-Pierre Bemba, nous ne cessons de le proclamer. Premièrement, il s’est passé des choses inadmissibles de 2002 à 2004 en Centrafrique, personne ne le nie. Il n’y avait pas que les troupes alors en faction dans cette région. À la demande de l’ancien Président élu, Ange Félix Patassé, nos hommes sont effectivement allés renforcer l’armée régulière centrafricaine, les troupes de M. Bozizé, actuellement Président, étant appuyées par des hommes d’origine tchadienne. Tout ce monde était là et il y a eu des exactions. En affirmant qu’elles étaient l’œuvre des seuls éléments du MLC, n’a-t-on pas affaire à une affirmation gratuite ? M. Bemba n’a jamais planifié ni ordonné cela. Et la seule question qui devrait être posée ;

Lorsqu’il a été mis au courant des exactions, en sa qualité de chef, quelle a été sa réaction ? Il a agi en chef et a constitué une commission d’enquête, quelques éléments isolés du MLC ont été identifiés et reconnus coupables de certaines exactions, ces gens-là ont été déférés devant les juges et ont été condamnés. Que pouvait-il faire d’autre ? Par sa Décision n° ICC-01/05-01 388, la Cour n’a pu établir la responsabilité personnelle du Sénateur Bemba dans les crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis en RCA, qui constituaient l’accusation la plus grave de la thèse du Procureur Moreno. Celui-ci devra, selon la même Décision, disqualifier les faits pour ne retenir, le cas échéant, que la responsabilité en tant que Chef militaire. Or, il est clair que, là aussi, Jean-Pierre Bemba n’avait pas le contrôle effectif des troupes sur terrain en RCA. Ce que reconnaît par ailleurs le Procureur Moreno lui-même.

Le seul fait pour la Cour d’exclure la responsabilité personnelle de Jean-Pierre Bemba dans cette nébuleuse affaire, constitue non seulement un motif de soulagement pour l’épouse, les enfants et toute la famille de notre Compagnon, mais également une preuve supplémentaire de la solidité de notre thèse depuis son arrestation. À savoir que le Procureur Moreno, pour le moins, se trompe de cible en poursuivant personnellement Jean-Pierre Bemba sur base d’un dossier où apparaissent plus clairement des mobiles politiques et non judiciaires.

Nous réitérons et soulignons notre propos du 12 février dernier : à la demande du Procureur Moreno, le Sénateur Jean-Pierre Bemba a été traqué comme une bête, arrêté et mis en prison, en mai 2008, dans des conditions humiliantes qu’on réserve habituellement aux malfrats, faisant fi du rang et du rôle que le Sénateur joue en RDC, notamment en tant que Chef du principal parti d’opposition. Depuis lors, des voix s’étaient élevées pour que le Procureur Moreno puisse apporter les évidences de charges pour lesquelles le Sénateur Bemba devait être maintenu en prison. On commence à y voir un peu plus clair, le dossier Bemba n’est pas un dossier judiciaire mais bien un dossier politique.

Cra : Y-a-t-il un espoir de prochaine libération de Jean-Pierre Bemba ?

F.M. : Qu’on arrête de faire de la politique et que l’on s’en tienne au droit, et maintenant plus que jamais. Et qu’on dise le droit. Si les juges effectuent leur travail, ils seront obligés de le libérer.  Il n’y a pas d’autre solution.

Cra : Pensez-vous que la CPI soit devenue un instrument contre ceux qui dérangent certains intérêts ?

F.M. : Je ne voudrais pas dire de bêtises. Depuis 2002/2003, c’est à coup de dizaines de millions de dollars, que le CPI a été mise en place. Elle compte quatre prisonniers dont trois sont des Congolais. Lors d’un point de presse, le Président Kabila s’est exclamé qu’il était le seul à coopérer avec cette Cour. C’est une des raisons pour laquelle il refuse de livrer Bosco Ntaganda. Et s’il est remis entre les mains de la CPI, cela fera quatre congolais sur cinq prisonniers. Doit-on imaginer que tous ces millions et cette infrastructure n’aient été faits que pour que des Congolais puissent être jugés ? Dernièrement, nous avons noté lors de la réunion de l’U.A. à Addis Abeba que tous les états africains ont tapé du poing sur la table en ce qui concerne la question de la CPI. Nous avons l’impression que c’est une institution instrumentalisée au service des puissants pour tenter d’écraser les faibles ! Comme les faibles sont généralement en Afrique, et la RDC au plus bas, c’est une conséquence logique qu’il n’y ait que des Congolais à La Haye. Il y a des soucis en Israël, mais leurs dirigeants qui sont susceptibles d’être envoyés à La Haye se baladent en toute quiétude, alors que l’on continue à pointer du doigt Hissène Habré ou le Président soudanais Omar Al-Bachir… Pourtant, cette question israélienne avait été débattue en Belgique mais elle est restée lettre morte jusqu’à ce jour. La cour pénale internationale est instrumentalisée et la place de Jean Pierre Bemba n’est pas là-bas. Nous espérons que cette fois–ci, ils vont dire le droit.

Cra : Avez-vous d’autres solutions par rapport à Jean-Pierre Bemba si cette situation devait s’éterniser ?

F.M. : Il y a des procédures mais jusque-là, on nous dit que ces procédures sont appliquées. Maintenant nous attendons que M. Bemba puissent-être remis en liberté pour qu’il puisse retrouver sa famille (sa femme et ses enfants). C’est quand même un chef de famille.

Cra : Concernant la situation au pays, en tant que secrétaire général du MLC, que pensez-vous de la flambée des prix qui engendre une situation catastrophique pour la population ?

F.M. : Je suis non seulement secrétaire général du MLC mais également ancien ministre de l’Économie sous le régime Mobutu et ministre du budget pendant la transition. Je vous réponds donc en trois volets :

Le premier, inévitable quel que soit le pays est l’aspect général de la crise. La crise financière internationale a eu pour origine des situations inextricables aux Etats-Unis qui par vagues a touché pratiquement le monde entier, celui-ci étant économiquement, presque devenu un village, il n’y a pas une responsabilité du Congo ou de ses dirigeants. Deuxièmement, est-ce que cette crise à des conséquences pour la république démocratique du Congo ? Vous savez Madame, depuis octobre 2008, j’ai donné deux ou trois points de presse pour dire exactement ce que je commence à entendre des membres de l’exécutif. Je disais que cette crise financière ne va pas s’arrêter aux portes de la république et nous allons être frappés comme tout le monde. Bien sûr, notre système bancaire n’est pas à ce point lié à l’international et ce qui donnait l’impression qu’on n’allait pas en subir les conséquences. Mais les conséquences sont indirectes parce que notre pays ne vit que de ses mines. Les investissements dans les mines, notamment au Katanga, sont faits par des entreprises qui se financent sur le marché international par le système boursier. Ce système boursier s’est effondré. Et vous savez comment ça se passe dans des entreprises, dès qu’il y a les premiers signes de difficultés, le premier levier est l’emploi ; on licencie. Et à cette époque, j’avais averti en disant « attention ils vont licencier par centaines de milliers ». Des familles congolaises seront privées d’emploi. Autant sur le premier point je dis que ce n’était pas de la responsabilité du gouvernement autant sur le deuxième d’une manière forte, je répète que ce gouvernement, à commencer par le Président de la République, s’est comporté d’une manière indigne dans sa fonction. Parce que là où les choses sont prévisibles, il faut s’en inquiéter dès le début. Après octobre, on nous a amené un budget 2009 totalement irréaliste.

 » La Cour n’a pas pu établir la responsabilité personnelle du Sénateur Jean-Pierre Bemba dans les crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis en RCA, qui constituaient l’accusation la plus grave de la thèse du Procureur Moreno. « 

Ce budget parlait de cinq milliards de dollars là où la République Démocratique du Congo n’a jamais pu en mobiliser plus de deux. Où trouver 5 milliards au moment où tout s’effondre ?

La majorité a voté ce budget devenu caduc. Et au bout de deux mois le gouvernement était incapable de l’exécuter. Les gens ne sont pas payés, les frais de fonctionnement ne sont pas versés par les ministères… Ils vont sans doute, amener une correction. Nous avons l’impression que l’exécutif comporte des gens qui n’ont pas les compétences nécessaires pour diriger un pays. Troisième et dernier élément de mon intervention, aux vues de tout cela que voit-on ailleurs ? Tous les dirigeants du monde sont mobilisés, ils s’inquiètent pour trouver des plans de relance ou de sortie de crise. Ici, tout va bien ! Et ces congolais, qui par une faute conjoncturelle, se retrouvent sans emplois, que fait l’Etat pour eux ? J’ai l’impression que les gens lorsqu’ils sont dirigeants, le sont pour eux-mêmes.  Et notre pays n’est pas bien parti.

Cra : Avec cette situation économique que vous dépeignez, pensez-vous que la RDC peut se payer le luxe d’organiser des élections ?

F. M. : Oui! Quitte à arrêter tout le reste. Là, vous parlez des priorités de la République. Il n’y a pas absence totale d’argent. La question est : Que faisons-nous de celui disponible ? Nous n’avons peut-être pas la volonté mais cela, c’est autre chose. Pour qu’une démocratie respire, il faut des élections et il ne faut surtout pas interrompre ce rythme. Si ceux qui ont gagné en 2006 deviennent des gagnants définitifs et si ceux qui ont perdus en 2006 deviennent des perdants définitifs par absence d’élections… Nous aurons perdu les acquis du processus qui a coûté cher à tout le monde surtout à la communauté internationale, il faut qu’il y ait des élections et qu’on poursuive l’effort : en 2009 pour les locales et en 2011 pour les élections générales.

Cra : L’opposition minoritaire au sein de l’Assemblée n’est pas écoutée. Avez-vous l’impression qu’on a tendance à craindre seulement celui qui détient les armes ?

F. M. : Ce n’est pas une tendance, hélas, c’est un fait ! Amicalement, nous avons parfois répondu à des journalistes, ces questions que vous nous posez, pourquoi ne les posez-vous pas à ceux qui dirigent ? Face à une situation qui se dégrade, l’opposition ne peut pas être prise pour premier responsable. Bien sûr nous avons la responsabilité d’ouvrir les yeux et les oreilles, d’être à même de pouvoir porter les espérances et les aspirations de la population. Ainsi, tirer les sonnettes d’alarmes au moment opportun. C’est tout ce que nous pouvons faire.

Si celui qui a le pouvoir ne répond pas, cela ne peut pas être la responsabilité de l’opposition. La population devra se rendre compte des défaillances et lorsqu’on lui donnera à nouveau l’occasion de s’exprimer (donc il faut qu’il y ait élections) pourra sanctionner démocratiquement les responsables. La sanction doit être démocratique. Vous avez démérité, vous laissez la place à ceux qui avaient tiré la sonnette d’alarme. C’est donc indispensable qu’il y ait régulièrement des élections.

Et celles-ci doivent être démocratiques et transparentes. Il faut des règles qui garantissent celles-ci. La population doit comprendre que nous serons meilleurs dirigeants que ceux qui sont là actuellement. C’est un combat exaltant.

Cra : Pensez-vous réellement que l’opposition puisse mieux diriger le pays ?

F. M. : Nous l’avons montré… Concernant le MLC, ce n’est pas une prétention. Je pense que si on regarde avec un œil objectif et critique ce qui s’est passé entre 2003 et 2006, on doit pouvoir dire qu’au sein du MLC, il y a des gens capables de gérer malgré la situation difficile.

Cra : Que pouvez-vous nous dire concernant les problèmes sécuritaires et surtout à l’est ?

F.M. : L’heure est certainement venue d’arrêter cette logique de guerre sans fin depuis 1994. Il s’est passé des choses terribles particulièrement au Rwanda ce qui a amené plus de deux millions d’Hutus à traverser la frontière pour se rendre en RDC à l’époque du Maréchal Mobutu. Que s’est-il passé depuis lors ? Des guerres qui ne s’arrêtent pas jusqu’à ce jour. De Laurent Désiré Kabila à Kamanzi qui a pris le relais de Nkunda, il s’est passé beaucoup de choses. Nous avons vu la République Rwandaise de Monsieur Kagamé soutenir Laurent Désiré Kabila pour qu’il arrive à Kinshasa. Et puis ils se sont brouillés… Le même Kagamé soutiendra Ruberwa par le mécanisme du dialogue inter-congolais… Ça s’est brouillé. En 2006, au lieu de soutenir Ruberwa, il soutiendra Joseph Kabila. Peut-être que beaucoup de gens ne le savent pas mais le Président rwandais Kagamé a fortement soutenu notre chef de l’Etat actuel… avant qu’ils ne se brouillent ! Le Président Kagamé soutiendra alors Nkunda, pour ensuite le mettre en prison. Viendra le tour de Bosco Ntaganda et aux dernières nouvelles, son nouvel amour serait Kamanzi !

 » Qu’est-ce que le Rwanda attend du Congo et en particulier du Président Kabila ? Lorsqu’on nous dit qu’il y a un accord entre les deux Présidents et qu’ils mettent leurs armées ensemble pour agir. Que recherchait Kagamé puisqu’il a beaucoup utilisé le conflit armé pour parvenir à ses fins, et enfin, a-t-il trouvé ce qu’il recherchait ? Cet accord dont on nous parle, est-ce l’atterrissage qui mettra fin aux guerres ? Pourquoi tout d’un coup Kagamé est-il content ?

Nous aimerions le savoir ! C’est le débat que le MLC et l’opposition réclament et qu’une bonne partie de la majorité attend. « 

Quel est le lien ou le dénominateur commun entre tous ces soutiens successifs et qui sont autant de guerres ? Pourquoi cela ne s’arrête-t-il pas ? Qu’est-ce que le Rwanda attend du Congo et en particulier du Président Joseph Kabila ? Lorsqu’on nous dit qu’il y a un accord entre eux et qu’ils mettent leurs armées en commun pour agir, doit-on le croire ? Que recherchait Kagamé puisqu’il a beaucoup utilisé le conflit armé pour parvenir à ses fins et enfin, a-t-il trouvé ce qu’il recherchait ? Cet accord dont on nous parle, est-ce l’atterrissage qui mettra fin aux guerres ? Pourquoi tout d’un coup Kagamé est-il content ? Nous aimerions bien le savoir ! C’est le débat que le MLC et l’opposition réclament et qu’une bonne partie de la majorité attend.

Nous voudrions le savoir pour deux raisons :

1.            Les élus, représentants du peuple que nous sommes, ont le droit de savoir. La Nation, c’est nous, ensemble avec le chef de l’Etat qui est aussi un élu… Qu’a-t-on donné à Kagamé pour qu’il s’apaise ?

2.            Nous recherchons une paix durable qui ait pour conséquence le développement et non d’autres guerres. Et pour qu’elle puisse être durable, l’engagement ne doit pas être le contrat d’un individu surtout s’il le fait d’une manière secrète et c’est aussi valable pour le Rwanda. Il est bon que l’accord se fasse entre nations et non entre individus. Ce sont ces deux bonnes raisons qui nous ont poussés à réclamer une session extraordinaire que nous n’avons pas obtenue, mais cette question demeure et demeurera puisque nous sommes en paix !

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Propos recueillis par : P. Mukendi

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